La blockchain pour mettre fin à la criminalité organisée sur les docks d'Anvers

T-Mining, jeune start-up belge, entend s’attaquer aux vols de containeurs et à la charge administrative dans la logistique avec sa technologie.

À travers de la vitre embuée de pluie, les enjambeurs portuaires ressemblent à des dizaines de fourmis qui s’activent sans relâche et dans un but parfaitement défini. Les machines allient puissance et agilité pour transporter quotidiennement et d’un point à l’autre du parc des milliers de conteneurs pesant plusieurs tonnes. Soudain, cette frénésie s’arrête et les fourmis se regroupent en un point du site. "C’est l’heure de la pause-café", sourit Filip Heremans. Le cofondateur et chief product officer de T-Mining, une jeune start-up qui utilise la technologie blockchain pour moderniser l’industrie du transport maritime, connaît bien le MSC PSA European Terminal (MPET). Il y a travaillé pendant près de dix ans.

MPET est le plus grand terminal de conteneurs en Europe. Chaque semaine, environ 40 à 50 bateaux cargo et 200 barges venus du monde entier viennent y charger et/ou décharger leur cargaison. Les plus gros bateaux peuvent transporter jusqu’à 20.000 conteneurs. En moyenne, la durée du transit des conteneurs est de 5 jours mais ce délai peut être beaucoup plus court ou même un peu plus long.

T-MINING

  • Fondée fin 2015, à Anvers. La start-up dispose d’une représentation à Singapour.

  • Elle est spécialisée dans le développement d’applications basées sur la technologie blockchain à destination du secteur de la logistique.

  • Ses clients sont des transporteurs, des expéditeurs…

Des centaines de conducteurs de camion viennent ensuite récupérer les conteneurs. Cette opération doit se réaliser rapidement pour que les bateaux puissent repartir dans les délais les plus brefs. Et dans cet intervalle parfois très court, il faut s’assurer que les conteneurs ne soient pas volés et qu’ils soient récupérés par les bonnes personnes. "La criminalité organisée est un problème récurrent, confie Nico Wauters, CEO de T-Mining. Les conteneurs les plus précieux se volatilisent. Ces vols sont souvent liés au trafic de drogue."

Criminalité organisée

Dans l’industrie des transports maritimes, le job de T-Mining consiste en grande partie à résoudre ce problème de sécurité en transférant de manière sécurisée les droits de récupérer ces conteneurs. "Nous utilisons la technologie blockchain pour nous assurer que le conducteur qui vient récupérer un conteneur a bien le droit de le faire. C’est assez complexe parce qu’il y a des milliers de conducteurs et il faut donner à la bonne personne la bonne clé", résume Nico Wauters.

La blockchain, pour débutants

Pour certains, il s'agit de la plus grande innovation depuis internet. Pour d'autres, ce n'est qu'une tendance pour laquelle les attentes sont excessives. Une chose est certaine: la blockchain est au coeur du débat digital. → Notre dossier

Les conducteurs ne dépendent pas du terminal, mais répondent à des sociétés de transport. Le terminal n’est jamais qu’une pièce d’une chaîne très complexe regroupant de nombreuses parties comme les grands transporteurs et les expéditeurs qui organisent le transport de marchandises.

Code temporaire

Jusqu’à présent, lorsqu’un conducteur se présente au terminal, il confirme son identité avec son badge et son empreinte digitale. Il entre ensuite dans le bâtiment où se trouve une série de claviers physiques. Il entre son code pin qui est valide pour une durée de 30 jours. Cela signifie que n’importe qui possédant le code peut retirer le conteneur. L’application développée par T-Mining permet au conducteur de "requérir" le retrait du conteneur en émettant un code temporaire. "Le conducteur du camion détient le droit de retirer ce conteneur sur cette application. Si le code est le même que dans la blockchain, il va pouvoir le retirer", explique Nico Wauters. Puisqu’il n’y pas d’autorité centrale mais que chaque transaction fait partie d’un réseau décentralisé, chaque changement doit être approuvé par toutes les parties sur la base d’un consensus.

Une industrie conservatrice

Un autre problème que T-Mining aimerait pouvoir résoudre grâce à la technologie blockchain c’est le flux gigantesque de documents dans une industrie encore très conservatrice.

"Il y a encore énormément de papier qui sont transmis de main à main parce qu’ils sont uniques, non copiables. La personne qui détient un certain papier détient ce qu’il y a à l’intérieur du conteneur. C’est pour ça que même en 2017, des expéditeurs envoient leurs conteneurs par mer puis transmettent toujours certains documents par airmail", détaille Nico Wauters.

Avec la technologie blockchain, T-Mining pourrait s’assurer qu’il n’y a qu’un seul propriétaire par document. "Pour cela, il faut enregistrer le document dans la blockcchain, le passer à la partie suivante et faire en sorte que tout le monde sache où se trouve le document à n’importe quel moment. L’idée c’est de faire en sorte que chaque partie sache à tout moment où est le document et que celui qui le détient puisse prouver qui le détient", ajoute encore Filip Heremans.

"Selon une étude récente, 50% des coûts de transport des conteneurs sont liés aux formalités administratives." NICO WAUTERS, CEO DE T-MINING

En sécurisant le partage et la propriété de documents administratifs, la technologie blockchain permettrait à l’industrie du transport maritime de réduire ses coûts. "Une récente étude menée par IBM a montré que plus de 50% des coûts de transport de conteneurs sont liés aux formalités administratives", complète Nico Wauters.

Ces formalités prennent beaucoup de temps et requièrent du personnel. "Il y a un réel potentiel: le traitement des documents peut être plus efficace", assure le CEO de T-Mining.

Source: L'Echo